NovFut #28 • Attention fascisme
Comment la Science Fiction aborde le sujet du fascisme, de l'uchronie à la réalité parallèle, de l'espace aux super héros.
J’avais initialement prévu de vous parler de l’hyperespace, mais un numéro spécial de NovFut consacré au fascisme semble plus d’actualité. Explorons donc comment la science-fiction aborde le thème du fascisme.
Mais juste avant, un instant promo.
Vous vous rappelez des aventures de Jean-Claude, mon jeu narratif développé avec les éditions Univers Détendu, dont j’ai parlé dans le dernier NovFut. Et bien celui-ci en est à 97% de financement. On avait pourtant hésité à arrêter car la période ne prête pas forcément à rire (le fascisme), mais on s’est dit qu’on en avait tous vraiment besoin. Alors, n’hésitez pas à pre-commander un jeu, il ne reste plus que 2 semaines ! Merci d’avance !
Le fascisme dans la SF
Déjà, il est important de reconnaître que la science-fiction n’est pas toujours synonyme de progrès et de libéralisme (voir Fascisme et SF). Certains récits de science-fiction ont en effet servi à promouvoir des idéologies malsaines (fascisme, nazisme ou stalinisme) et ça continue même aujourd’hui. Cependant, nous nous concentrerons ici sur les œuvres qui dénoncent ces idéologies plutôt que celles qui en font l’apologie.
Comment reconnaitre le fascisme ?
Le sujet est complexe. De nombreux intellectuels et romanciers comme Umberto Eco, Leon Trotsky, Franklin Roosevelt, George Orwell et bien d’autres (même Viktorovich) ont proposé leurs définitions du fascisme (voir également le très bon article de Chris sur SciFi Interfaces).
Afin de vérifier que nous restons bien dans notre sujet (le fascisme), je vous propose de nous baser sur ces cinq aspects :
a) Apologie de la violence. La force et la violence sont valorisées comme des vertus. Elles entraînent le machisme et le désir de supprimer violemment ses ennemis.
b) Autoritarisme. Le gouvernement paternaliste est centralisé, hostile à la diversité et à l’individualisme. Ses lois y sont appliquées de manière draconiennes.
c) Ultranationalisme. Tout est subordonné à l’État (et à son grand leader) considéré comme le meilleur de tous les pays. Les partisans sont des héros prêts à mourir pour sa cause.
d) Dictature. Le grand leader charismatique est un habituellement un homme promouvant un récit de renaissance épique (la palingénésie). Sa légitimité repose sur les émotions : il est charismatique, il est puissant et il n’a aucune limite à son pouvoir.
e) Palingénésie. C’est la résurgence, la renaissance de la grandeur passée. Pour retrouver la pureté et l’abondance ancestrale, il faut éliminer les impuretés de notre société, désignant évidemment une classe spécifique d’individus comme boucs émissaires.
Maintenant que nous savons reconnaître le fascisme, comment la science-fiction en parle-t-elle ?
Décrire la construction du fascisme
Le fascisme ne surgit pas par hasard. Il est souvent le résultat de l’abrutissement progressif de la société (voir NovFut 25, panem et circenses), d’un désir de revanche après une humiliation, ou encore d’un laxisme politique.
Le talon de fer (The Iron Heel) de Jack London est un roman politique d’anticipationqui décrit l’instauration d’une tyrannie capitaliste totalitaire durant 300 ans aux États-Unis. Considéré comme la première dystopie moderne (d’après la Wikipédia), ce roman évoque la montée inexorable du fascisme provoquée par le déséquilibre social entre l’aristocratie bourgeoise et les travailleurs.
Le cabinet du Dr Caligari (Robert Wiene, 1920)considéré comme le premier film d’horreur, raconte comment le Dr Caligari utilise ses pouvoirs hypnotiques pour contrôler un somnambule et commettre des meurtres. Ce magnifique film expressionniste est vu comme une anticipation du totalitarisme qui s’est développé en Allemagne après la Première Guerre mondiale. La folie et l’autorité du Dr Caligari y sont dénoncées comme des maux transformant la société en régime fasciste.
It Can’t Happen Here de Sinclair Lewis (1935), raconte la construction d’un état totalitaire aux États-Unis par la prise de pouvoir de Berzelius « Buzz » Windrip, un politicien qui devient le premier dictateur du pays. Durant son ascension, il est critiqué par le journaliste Doremus Jessup qui parvient à discerner le fascisme derrières ses décision politiques, son populisme et ses tactiques autoritaires. Ce roman de science-fiction a été fréquemment cité lors de l’accession au pouvoir de Trump, lorsque la réalité semblait dépasser la fiction.
La vague (Die Welle, Dennis Gansel, 2008) est un film allemand exceptionnel à montrer à tous les enfants (et parents). Il raconte comment un professeur de lycée met en place une expérience d’une semaine pour simuler un régime autocratique dans une sorte de jeu de rôle grandeur nature. En moins d’une semaine, l’expérience devient incontrôlable, illustrant les dangers de jouer avec le fascisme.
Ce film est basé sur l’expérience de la troisième vague, une étude expérimentale du fascisme par un prof de Palo Alto (Californie) à et ses étudiants en 1967 reproduisant les composantes du fascisme. L’expérience d’une semaine a démontré à quel point il était facile d’adopter le totalitarisme, même si les étudiants nieront a posteriori avoir participé à la mise en situation finale. Le déni, une attitude habituelle dans ces cas là.
Il semblerait que Netflix en ait fait une série intitulée Nous la vague en 2019. Je ne l’ai pas vue.
Fascisation USA (*)
(*) oui, c’est un jeu de mot raté sur Invasion USA (1985), où le viril Chuck Norris repousse à lui tout seul des très méchants soviétiques terroristes envahissant les Etats-Unis.
Les USA on un vrai problème de fascisme, n’en doutons pas.
Dans le comics Give me Liberty (scénario iconoclaste de Frank Miller et magnifiques dessins de Dave Gibbons, 1990), les origines de l’héroïne Martha Washington sont entrecoupées de parades présidentielles de plus en plus militarisées, illustrant la détérioration progressive de la démocratie malgré les élections.
On y voit toujours le même président « élu », tandis que la promesse démocratique se transforme petit à petit en régime autoritaire et dictatorial, sous les yeux de tous. Cela nous interroge sur le moment précis où cette dictature a véritablement commencé. Et par extension, nous pousse à réfléchir si nos démocraties actuelles ne portent pas en elles le germe des dictatures futures.
Transmetropolitan, le fabuleux comics écrit par Warren Ellis et illustré par Darick Robertson (1997) suit justement une campagne présidentielle aux Etats-Unis pendant laquelle le journaliste Spider Jerusalem va faire un vrai job de journaliste, qui n’est pas de consommer de la drogue, mais plutôt de dénoncer la corruption et les abus de pouvoir des politiciens.
Spider n’a aucune allégeance envers un parti politique, est profondément athée et est un défenseur de la vérité dans son sens le plus noble. Si je devais vous conseiller une seule série de comics parmi toutes celles mentionnées ici, ce serait celle-ci, sans hésitation (vous connaissez mon admiration sans borne pour Warren Ellis).
Alors que ces excellents comics dénoncent la possibilité évidente d’une Amérique fascisée, d’autres font exactement le contraire en construisant ou exacerbant le terreau populiste sur lequel se développe cette idéologie.
Les super fascistes
En défendant les valeurs de la démocratie, Martha Washington et Spider Jerusalem sont ainsi les antithèses de Steve Rogers (Captain America) et de Clark Kent (Superman) défendant l’American way of life avant tout.
Dans une interview de 2019 (cf Usbek et Rica), le barbu Alan Moore (auteur de Watchmen et V for Vendetta entre autres) racontait « Aux alentours de 2011, je m’inquiétais déjà des implications pour le futur de voir des millions d’adultes faire la queue pour voir des films Batman. Ce genre d’infantilisation – et notre désir d’avoir une époque et une réalité facile à comprendre – préfigure souvent l’arrivée du fascisme. »
On pourrait sourire de ce rapport entre super-héros et fascisme, mais il suffit de lire la série des Ultimates pour en être convaincu. Cette version adulte des Avengers écrite par Mark Millar et Bryan Hitch a été lancée en 2002, dans une ère post-11 septembre (et pré-achat Disney). Si les premiers scénarios de Mark Millar peuvent être lus avec un second degré ironique, la série s’oriente rapidement vers un ultra-nationalisme et un autoritarisme permanent : les héros Américains y sont dépeints comme gentils, forts et astucieux, tandis que les autres sont méchants, faibles, stupides, voire lâches.
Comment ignorer cette vanne anti-française quand, après avoir tabassé un ennemi, Capitain America hurle (sa virilité) que le A sur sa tête ne signifie pas « France ». Un clin d’œil politique malsain au refus de la France de s’engager en Irak (à cause d’armes chimiques qui n’existaient, en définitive, pas).
Cette vanne nationaliste est assez visible, mais il y a en beaucoup d’autres plus ou moins dissimulées, visant l’Europe, des pays plus ou moins identifiés asiatiques ou du Moyen-Orient. Sans compter la transformation des super-héros eux-même. Dans cette version des Avengers, Nick Fury est une barbouze prête à tout y compris le sacrifice d’innocents (de préférence étrangers qui sont forcément moins innocents) pour « son pays », Tony Stark est un entrepreneur néo-libéral qui fabrique des armes (mais il n’en vend plus car c’est un gentil) et carbure à l’escort girl tandis Captain America est un hyper patriote regrettant un passé idéalisé, prêt à attaquer n’importe quelle cible sur ordre (militaire avant tout).
Mais les Ultimates ne sont que la partie visible d’une transformation profonde des super-héros (notamment chez Marvel car chez DC, on pourrait dire qu’ils ont toujours été comme ça) depuis les attentats du 11 septembre.
Quand j’étais petit je lisais les aventures de Spidey, un gamin intello, moqué par les footballers, qui, devenu super héros apprenait qu’à « grands pouvoirs, grandes responsabilités ». Les super-héros d’aujourd’hui sont remplacés par Captain America ou Captain Marvel, des gravures de mode militaires qui « protègent » le monde (malgré lui) de tout ce qui ne correspondrait pas aux standards américains.
Alors les comics de super-héros devraient-ils plutôt inspirer les gens à se transcender ou ne devraient-ils être que les portes parole de l’idéologie dominante de la société américaine ?
Je ne sais pas. Mais Marvel-Disney a plutôt choisi d’exacerber le populisme et les pulsions violentes et xénophobes de son public, notamment à travers ses films. Du fascisme doux pour les enfants quoi.
Il faut donc nous attendre bientôt à Bardella en costume de super héros… Ah merde, ça existe déjà.
Et si les nazis avaient gagnés ?
Est-ce un avertissement ou une fascination pour les fringues d’Hugo Boss, mais beaucoup d’œuvres de SF sont basées sur des uchronies où les nazis ont gagnés la Seconde Guerre mondiale.
Swastika Night (Katharine Burdekin, 1937) est un roman de SF spéculative redécouvert il y a peu. Ecrit sous pseudo durant juste avant la 2e guerre mondiale, il suit le pélerinage d’Alfred dans les sites sacré du Hitelrisme, une religion de ce monde cominé par les nazis depuis des centaines d’années. Dans cette société où Hitler est vénéré comme un dieu, les juifs ont été éliminés et les chrétiens margnialisés. Un culte de la masculinité prévaut et les femmes sont gardées dans des camps de concentration, leur seule valeur étant reproductive (voir NovFut fertilité). Enfin l’histoire a été réécrite et le langage manipulé.
Dans Le Maître du Haut Château (The Man in the High Castle, 1962), Philip K. Dick nous dépeint un monde 15 ans après la victoire de l’Allemagne nazie et du Japon. Dans ce roman, on découvre, sans trop s’y attarder, que le régime nazi a perpétré des génocides à grande échelle en Afrique et dans tous ses territoires conquis, éliminant les Juifs, les Noirs, les Slaves, d’autres minorités ethniques et les handicapés, dans le cadre d’un programme de solution finale généralisée.
La solution finale est un rouage essentiel des gouvernements fascistes, souvent dissimulé à leurs propres adhérents. C’est le thème central de Fatherland (Robert Harris, 1992). Dans ce monde où les nazis ont gagné la Seconde Guerre mondiale et contrôlent presque toute l’Europe, un enquêteur de la SS, chargé de résoudre le meurtre d’un haut fonctionnaire, découvre un complot visant à cacher les preuves de l’existence d’Auschwitz.
Le roman a été adapté en téléfilm sous le titre Le Crépuscule des aigles (Christopher Menaul, 1994) avec Rutger Hauer et Miranda Richardson.
Dans le beaucoup plus drôle (mais tout de même très fin) Le Reich de la Lune (Iron Sky – Renaten tarina, 2018), l’auteure finlandaise Johana Sinisalo raconte le début d’Iron Sky (cf NovFut lune) en mettant en scène une nazie vivant sur la lune qui découvre brusquement les plaisirs de l’Amérique. Choc des cultures.
Je pourrais aussi citer SS-GB de Len Deighton (1978), qui se déroule en novembre 1941, neuf mois après la capitulation des Britanniques face aux Allemands. SS-GB est le nom de la branche nazi qui contrôle la Grande Bretagne.
Mais la science-fiction n’a pas exploré que les gouvernements nazis, il y en a bien d’autres formes.
Le contrôle des sociétés autoritaristes
The Handmaid’s Tale (de Margaret Atwood, 1990) nous parle du traitement des femmes dans un monde autocratique un peu d’ailleurs comme Swastika Night. J’en parle dans le NovFut apocalypse grabataire, mais en résumé ça se passe très mal pour les femmes qui sont réduites à des fonctions procréative ou de plaisir.
Dans les classiques on peut citer 1984 (le livre de George Orwell ou les films) montre une société totalitaire sans l’aspect palingénétique basée sur un état autoritaire et paternaliste qui promeut la violence et inspire une peur permanente à travers la propagande et la transformation du langage (novlangue). Et également Brazil (Terry Gilliam, 1985) qui nous décrit une horrible dystopie bureaucratique au gouvernement autocratique. Le protagoniste anti-héros va découvrir un système inhumain auquel il a lui même participé quelques temps avant.
Fahrenheit 451 (Ray Bradbury, 1953) raconte une société totalitaire plus que véritablement fasciste (on n’y retrouve pas de leader charismatique)où la mémoire, la culture est censurée par des “pompiers” chargés de bruler les livres. Ce roman rappelle fortement les autodafés de 1933 en Allemagne où des dizaines de milliers de livres sont jetés publiquement au bucher par des étudiants (et des enseignants) ou encore ceux de la révolution “culturelle” prolétarienne de Mao Zedong en 1966.
Car au 20e siècle, brûler ses livres (sa mémoire) était effectivement le meilleur moyen de contrôler une population. Aujourd’hui, il suffit de la dissoudre dans les médias sociaux, chose qu’ont bien compris les partis populistes.
Le film Equilibrium (2002) va encore plus loin en bannissant directement les émotions à travers la surveillance, la censure et la violence. Idem dans le roman We de Yevgeny Zamyatin (1924) qui a inspiré 1984 (1949) ou encore le meilleur des mondes (1931). Ce roman se déroule dans un futur spatial, où les gens désindividualisés (ils portent des numéros et pas des noms) vivent dans des villes-panopticons, alors que les émotions sont supprimées. On retrouve cet état de contrôle autoritaire dans Orange mécanique (A Clockwork Orange, Anthony Burgess, 1962) film violent qui interroge sur le bienfondé de la torture pour faire plier les associaux.
Et comment ne pas citer le formidable V for Vendetta d’Alan Moore (1982) et son adaptation des Wachowski (2006, nettement moins transgressive) qui se déroule dans une Grande Bretagne fascisée où V, un personnage étrange, va tenter de déclencher une révolte à la fois culturelle et sociale.
Les fascistes dans l’espace
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’univers de Star Trek fourmille de races isolationnistes et/ou xénophobes possédant des gouvernements plus ou moins fascistes : les Cheron, les Paxans, les Malcorians, les habitants de Kaelon II, l’alliance Prytt, etc. Cela permet aux scénaristes (souvent excellents) de montrer comment un peuple évolué comme la Fédération peut traiter des sujets comme le racisme, la perte de la mémoire de l’histoire, le protectionnisme, et simplement la différence entre les gens.
La série originale (rappelons-nous de l’épisode Patterns of Force où Kirk et Spock sont envoyés sur une planète nazie) et Next Generation sont ainsi bourrées de magnifiques histoires qui mettent en avant la compréhension et l’ouverture d’esprit d’une société transcendée.
Star Trek Deep Space Nine approfondit encore le sujet en basant la station spatiale DS9 au milieu du conflit historique entre les Bajorans et des Cardassiens, deux races historiquement ennemies, montrant ainsi les mécanisme de la production du fascisme dans un camp comme dans l’autre. L’affrontement idéologique et religieux radical de ces deux races métaphorisant d’ailleurs le conflit israélo-palestinien.
Mais là où DS9 excelle, c’est qu’elle brouille rapidement les cartes du « gentil » et du « méchant », nous faisant prendre conscience que le fascisme est souvent une construction progressive d’un peuple déjà en souffrance, manipulé par un leader charismatique et sans scrupules. Et la série montre que ce phénomène peut se produire partout, même dans une société qui semble la plus pacifique (comme les Bajorans).
D’autres fascistes interviennent dans DS9, comme le Dominion, une oligarchie interstellaire créée par une race d’êtres liquides (les Founders dont fait partie Odo) qui a décidé d’éradiquer les êtres solides. Pour les servir, les fondateurs ont créé génétiquement 2 races : les Vorta, des manipulateurs politiques beaux parleurs et les Jem’Hadar, des militaires violents.
Dans l’une des dernières séries de Star Trek, l’entreprise affronte des Klingons fascistes. Si les Klingons ont toujours eu un gout prononcé pour la violence et la guerre, ce groupuscule particulier va promouvoir le retour au source (la fameuse palingénésie) à travers son leader charismatique.
Le Dr Who a lui aussi souvent maille à partir avec les fascistes, tant dans notre ligne temporelle réelle que dans les alternatives. Notamment l’épisode Skyfall où le Master pose habillé en nazi devant un Paris occupé par les allemands. Le 11e Docteur se retrouve même à sauver Hitler d’une tentative d’assassinat (s06e08, Let’s Kill Hitler). Ah bravo Docteur !
Ceci dit, il est assez évident que cette série est anti-fasciste. Les Daleks (les grands méchants qui veulent « exterminer ») ont été d’ailleurs inspirés par les nazis thématique importante dans cette série comme dans la plupart des shows anglais des années 60s dont les scénaristes ont vécus la ww2.
Les fans puristes pourront également trouver plusieurs romans du Dr Who (Players et I, Alastair) qui mettent en scène Oswald Mosley, le (vrai) créateur du parti fasciste britannique durant la 2e guerre mondiale. L’une des histoires se déroule sur une terre parallèle où la république de Grande Bretagne est un gouvernement fasciste où Mosley est assassiné et transformé en martyre par le “Leader”. Dans un autre épisode, Mosley devient premier ministre du Royaume Uni dans une timeline alternative où les allemands ont gagné la 2e guerre mondiale.
Hélas, dans notre réalité vraie, Sir Oswald Mosley est mort paisiblement dans ses pantoufles en 1980. Mais que fait le Docteur ?
L’Empire dans la première trilogie Star Wars coche quasi toutes les cases du fascisme : bottes cirées, dictateur charismatique (Palpatine), attrait pour la violence, autoritarisme. Il manque seulement l’idéologie “c’était mieux avant” pour que l’on soit dans du fascisme pure. La comparaison de Lucas est évidente dans sa première trilogie (épisodes 4 5 6) notamment dans les décors, costumes et machines des impériaux, de véritables nazis de l’espace.
On peut d’ailleurs se dire qu’il est dommage que Lucas dans les épisodes 1 2 3 ait complètement raté l’histoire de l’évolution de la république galactique en empire fasciste au lieu de donner envie aux gamins de se transformer en Darth Vader.
Conclusion : comment vaincre l’entropie inéluctable de la démocratie ?
Ces nombreuses histoires concernant la montée ou la lutte contre le fascisme masquent souvent deux réalités cruciales :
1- Le fascisme est indétectable quand on a les pieds dedans. Il se dissout dans des pulsions acceptables : l’amour de son pays, la nostalgie de temps anciens ou la réparation d’injustices. On peut ainsi vivre dans une société fasciste ou partager ses idées sans même le savoir.
2- Tenter de lutter contre le fascisme avec des méthodes fascistes ne fait qu’accélérer sa transformation. L’exemple des États-Unis est flagrant : traiter les gens comme des abrutis les transforme en abrutis.
Alors comment faire pour sauver la démocratie ?
Je suis persuadé que moults sociologues bien payés ont déjà exploré cette question. Pour ma part, je vais m’en tenir aux choses que je connais le mieux : la physique.
Si l’on imagine notre société démocratique comme un système physique, alors celle-ci est soumise à la deuxième loi de la thermodynamique, celle de l’entropie qui ne diminue jamais. En résumé, celle-ci explique qu’un équilibre ne peut pas être conservé indéfiniment et que ce principe s’applique à tout ce qui nous concerne (de notre fin inéluctable à la mort des étoiles) car tout est en équilibre.
Ce qui nous amène à 2 solutions pour contrebalancer cette entropie : soit injecter de l’énergie dans le système pour aider à l’équilibre, soit réduire la différence entre le système intérieur et l’extérieur. Il y aura toujours de l’entropie, mais son augmentation sera plus lente.
En reportant ces solutions physiques à notre démocratie française, on voit qu’après des périodes d’ouverture de notre système (par exemple la construction de l’Europe ou la mise en place de l’Euro) celui-ci se referme de plus en plus sur lui-même. Il devient peu à peu imperméable au changement, et augmente donc son entropie.
En plus de ça, les composants constitutifs de notre système (les citoyens) sont plongé depuis une décennie dans un phénomène isolationniste pernicieux : les bulles d’information (et de désinformation) due aux algorithmes de rétention des médias (as)sociaux. Notre système, déjà naturellement soumis à l’entropie, la voit donc augmenter drastiquement.
Face à ça, il ne faut pas compter sur un « apport d’énergie » potentiel qui permettrait de maintenir la situation. Les trente glorieuses sont terminées depuis longtemps. Nous avons donc un système démocratique voué à s’auto-détruire.
Alors quoi ? On est f* ?
Non, certainement pas ! Au contraire, tant que la démocratie existe et que l’on reconnait sa valeur, il est possible de la faire durer. Mais comment ?
Tout d’abord, en rendant le système moins déséquilibré, notamment en empêchant les citoyens de s’enfermer dans des bulles d’informations.
Cela passe par une véritable transformation de l’éducation, prenant en compte les enjeux de demain (environnement, défense de la démocratie et politique internationale, par exemple) plutôt que de se focaliser uniquement sur les maths et le français (cf. le programme de primaire).
Ensuite, cela implique la construction d’une véritable ligne de défense des médias publics contre les chaînes de désinformation de Bolloré et des autres. Il est compliqué de construire une société éclairée sans des médias libres et objectifs.
Enfin, il est crucial de réguler les outils numériques, les smartphones, et même les plateformes en ligne. Les millions d’euros investis dans Hadopi auraient pu servir à cela.
Pour finir, cette démocratie ouverte, composée de citoyens éclairés, aura pour mission de s’équilibrer avec l’extérieur. Un système fermé augmente son entropie, il est essentiel d’importer de nouvelles idées et faire circuler les nôtres.
J’y vois un peu l’état d’esprit de la Fédération de Star Trek dont l’objectif est « d’explorer de nouveaux mondes étranges, découvrir de nouvelles vies, d’autres civilisations et au mépris du danger, avancer vers l’inconnu« .
Ainsi la démocratie doit avancer vers l’inconnu, explorer de nouveaux mondes étranges et partager ses valeurs pour se pérenniser. Il n’y a pas d’autres choix.
Ne rien faire la condamnerait.
Alors, votez bien la semaine prochaine.
Cyroul
Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience.
Fureur et Mystère (1948) René Char
Adieu Donald
Donald Sutherland est mort. Un grand acteur avec quelques performances SF remarquables dont l’invasion des profanateurs de sépultures (Invasion of the Body Snatchers, Philip Kaufman, 1978). L’inoubliable séquence finale de ce film conclut parfaitement ce NovFut spécial fascisme.
Ce numéro de NovFut est terminé. Vous êtes plus de 400 à lire cette newsletter alors merci à vous. Si vous voulez contribuer à une bonne action : 1- Votez bien la semaine prochaine 2- Achetez un Jean Claude et 3 – Abonnez-vous et/ou n’hésitez pas à faire tourner cette newsletter. A bientôt pour un nouveau numéro de NovFut, les nouvelles du Futur, qui je l’espère nous trouvera toujours en démocratie.
Tu as écarté "Rêve de fer" de Norman Spinrad volontairement ? Comme tu parles de Swastika Night et du Maître du Haut-Château, il me semble avoir sa place. Enfin, toujours pour faire mon pédant (alors que je pense en connaître bien moins que toi, cela étant), il aurait peut-être été intéressant de mentionner que la race des elfes destinée à disparaître dans le Seigneur des anneaux est une thématique reprise par des groupes de hard rock d'extrême droite à iconographie fantasy, white power et autres nazillons (elfes = juifs, pour eux).